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L'ART et L'ÉCOLOGIE

Dernière mise à jour : 25 mars

Art et Écologie, un combat de consciences

Les artistes sont une source d’inspiration, d’anticipation, de traduction, d’alerte, de changement et de résilience. Une inépuisable source pour accompagner la transition écologique et établir un nouveau rapport au monde pour le bien commun

« Leurs approches, sensibles, décalées, interrogatives, leurs expérimentations de nouveaux modes opératoires, plus collaboratifs, ouvrent une voie pour tous les autres acteurs (société civile, instances publiques et politiques, chercheurs, scientifiques, entreprises, etc.) concernés par l’évolution de la société à l’aune des nouveaux enjeux sociaux, économiques et environnementaux »


L'arbre aux 40 fruits de Sam Van Aken

*L'arbre aux 40 fruits de Sam Van Aken


B-A BLA

Comment l’art est petit à petit devenu une scène de combat écologique ? Pourquoi et comment sommes-nous passés d’un « art scopique », qui observait le monde et le figeait dans une image, à un art contextuel qui pense, dénonce et nous fait réagir sur les problématiques sociétales et environnementales.

L’anthropocène, terme désormais très utilisé dans monde de la création artistique désigne la période actuelle des temps géologiques, où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète (biosphère) et les transforment à tous les niveaux. On fait coïncider le début de l’ère anthropocène avec celle de la révolution industrielle du XVIIIème siècle. « C’est l’âge des humains et de celui d’un désordre planétaire inédit » comme l’écrit Paul Ardenne dans son dernier livre "Un art écologique, création plasticienne et anthropocène". Les artistes s’inscrivent en réaction et adoptent différentes attitudes ou postures :


Histoire de l'art

Une petite histoire de l’art et l'écologie qui s’engage !

Dans un premier temps, les artistes investissent la nature et l’espace public pour (re)présenter le monde, puis très vite dénoncent et sensibilisent le public et les institutions face aux attitudes et comportements destructeurs de l’ère industrielle et des effets de la mondialisation.

L’art devient alors prescriptif, en ce sens qu’il rend compte d'une préoccupation grandissante : le devenir de notre planète, et comment vivre dans un monde malade sans simplement y survivre.


Comment dans cette conscientisation, l’art peut-il apporter sa pierre à l’édifice des problématiques sociétales et environnementales ?


Selon les contextes, époques et approches, résumer « notre affaire » en quelques mots relève de l’utopie mais essayons-nous tout de même à une petite chronologie ?! Depuis les années 1960, le land Art s’inscrit de fait dans un environnement dit naturel et invite le visiteur à sortir du white cube muséal. Les artistes utilisent les matériaux de la nature (bois, terre, pierres, sable, eau, rocher, etc.), creusent, déplacent, transportent, accumulent, griffent, tracent, plantent… Le plus souvent, les œuvres ou interventions humaines à valeur esthétiques sont représentées en extérieur, exposées aux éléments et soumises à l'érosion naturelle ; les œuvres ont disparu et ne restent d’elles que des dessins, photos ou vidéos. On citera les œuvres de Nils Udo, ou celle de Simon Beck qui invente le Snow Art au début des années 2000 : muni de raquettes, il dessine des formes dans la neige et les filme pour nous alerter sur la fragilité de l’environnement.


Simon Beck, Les Arcs © Simon Beck

Simon Beck, Les Arcs © Simon Beck


Richard Long (artiste anglais) propose quant une réflexion sur la temporalité et l’impact des hommes sur la nature en intervenant directement dans le paysage par quelques gestes simples comme, créer une ligne en marchant ou encore replacer les pierres éparses dans des formes minimales de droites ou de cercles.


Art x écologie

Les années 1960-70 voient de nombreux acteurs du monde de l’art prendre conscience de l’importance de la diversité et de la sauvegarde de la nature. Des artistes occidentaux emblématiques comme Wolfgang Laib, Joseph Beuys, Robert Smithson et son épouse Nancy Holt ou Andy Goldsworthy ont inspiré les générations suivantes, par leurs différentes approches de la question écologique. Si dans l’histoire de l’art le rapport nature culture a pour ainsi dire toujours existé, la problématique d’un déséquilibre néfaste dû à l’activité humaine a été formulée par ces artistes. Ils essayent d’attirer l’attention sur la complexité et la préservation nécessaire de l’harmonie du vivant et de la régénération de la nature qui n’est pas illimitée.


Attention toutefois à la transformation radicale et violente des paysages par certains artistes qui en fin de compte pourraient presque être considérés comme « anti-écologiques ». Lorsque Walter de Maria plante 400 paratonnerres dans un champs désertique, il offre au regard humain une vision spectaculaire lors des tempêtes d’éclairs, mais on n’en mesure pas les effets sur l’écosystème réel sur place.



Walter De Maria, « The Lightning Field, » 1977. Photo: John Cliett © Dia Art Foundation

Walter De Maria, « The Lightning Field, » 1977. Photo: John Cliett © Dia Art Foundation


Il en est de même avec des œuvres comme celles de Michael Heizer, artiste sculpteur new-yorkais, qui dans son œuvre Double Negative, achète un terrain désertique du Nevada et déplace 240 000 tonnes de roches.


Michael Heizer, Double Negative, 1969 © Serge Paul, 2003

Michael Heizer, Double Negative, 1969 © Serge Paul, 2003


Restauration / Réhabilitation

Si le Land Art a été le courant artistique le plus connu pour exprimer la fragilité de la nature, le Reclamation Art est le premier à être considéré comme art écologique. Les artistes investissent et réhabilitent des espaces pollués ou zones industrielles abandonnées et leur donnent un nouveau sens. Leurs œuvres participent à la reconstruction du lien entre les hommes et leur environnement naturel. Les institutions s’investissent et à leur tour et les collectivités territoriales sont sollicitées par les artistes. Elles jouent le jeu : Alan Sonfist, demande aux autorités de New-York de lui prêter un terrain et le laisser tel quel pour que la nature puisse reprendre ses droits. Ce projet de reforestation (Time Landscape) dans un milieu urbain de Manhattan aboutit en 1978. Réhabiliter un terrain pour qu’il retrouve son aspect originel d’avant colonisation et urbanisation.


Alan Sonfist, Time Landscape, 1965-1978

Alan Sonfist, Time Landscape, 1965-1978


En 1985, Patricia Johanson réhabilite un plan d’eau artificiel pollué de Dallas. Elle reconstruit ainsi le lien entre l’homme et son environnement naturel et rend le site écologiquement viable grace à ses micro-habitats pour la faune et la flore.

			Patricia Johanson, Leonhardt Lagoon, 1985 © Patricia Johanson

Patricia Johanson, Leonhardt Lagoon, 1985 © Patricia Johanson


Autre réalisation majeure de ce courant : Tree Mountain, A Living Time Capsule, de Agnès Dénes qui travaille sur les questions environnementales depuis toujours. Elle créé une petite montagne en plantant 11 000 pins avec 11 000 personnes et recrée ainsi les terres détruites par l’extraction intensive des ressources.

L'art écologique

L’art écologique prend ici toute son ampleur en laissant un héritage aux générations futures et en ajoutant une dimension collective de la création.


Des arts et des acteurs d'un écosystème mobilisé !

On assiste à un véritable engagement des institutions culturelles qui prennent conscience que le changement de société passe aussi par la Culture qui se doit d’investir le champ du pouvoir. Des prix sont créés pour inciter à créer responsable : le prix Pictet créé en 2008 est le premier consacré à la photographie et le développement durable, le Prix Coal Art et Environnement, créé en 2010 pour valoriser les artistes contemporains qui abordent les enjeux écologiques actuels et soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication, de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie, du Centre National des Arts Plastiques (CNAP) et de l'Union Européenne. Le prix de la Feuille verte enfin (2015), récompense chaque année, une ville européenne pour des aménagements urbains qui prennent en compte l’environnement. Le phénomène prend toute sa dimension en 2009 avec la présence de l’art au Cop 15 et particulièrement avec l’exposition Re-Think. En 2020 le sommet de Rio, place officiellement l’art au centre des débats.


Et si on la jouait collectif

Les artistes impliqués dans ces questions sociétales et environnementales se rassemblent en communautés, développent des plateformes, des centres de ressources et de réseaux sociaux. Le réseau européen Cultura21, première plateforme d’échanges et d’apprentissages en ligne contribue à la promotion des démarches alliant culture et développement durable. Le réseau Imagine 2020, créé par six organisations culturelles européennes basées à Londres, Ljubljana, Montpellier, Bruxelles, et Angers prône quant à lui l’art face au changement climatique et incite les artistes et le public à s’engager sur les enjeux du 21ème siècle. De plus en plus d’actions artistiques intègrent une dimension collective : « un éco-art doit forcément avoir en vue l’intérêt public » Paul Ardenne. En 1982, Agnès Dénes (une des pionnières de l’art écologique) fait pousser un champ de Blé au cœur de Manhattan à la croisée de l’esthétique, de la politique et de l’activisme pour un véritable contre-point et réaction-action face à la faim dans le monde. La récolte de blé (par un public qui l’a planté) est ensuite redistribuée à des organismes de lutte contre la faim (plus de 4 milliards de dollars de récolte).


	Agnès Dénes – Champ de Blé – Une confrontation - 1982 ©Agnès Dénes

Agnès Dénes – Champ de Blé – Une confrontation - 1982 ©Agnès Dénes


Également l’œuvre 7 000 Eichen (« 7 000 chênes ») de Joseph Beuys qui vient en réaction à la pollution chimique des pluies acides qui détruisent les forêts. L’artiste décide en 1982 de planter 7 000 chênes dans une région allemande et propose là une reforestation visionnaire qui donne le ton d’un art utile.

Nous y sommes : l’art répare, agit et le paysage est placé au cœur de revendications politiques.


Célébrer la Vie et le Vivant

Dans ce même esprit collaboratif la Fondation Tara Océan a mené depuis 2006 de nombreuses expéditions embarquant à bord de la Goélette chercheurs et artistes pour étudier et comprendre l’impact des changements climatiques sur nos océans. Peu à peu l’art contemporain et ses acteurs revendiquent l’importance de considérer, rendre visible et accorder sa place à la notion du Vivant. Philippe Descola, Bruno Latour, Frédérique Ait-Touati, Baptiste Morizot, Isabelle Stengers, Vincianne Despret ou encore Emmanuele Coccia, sont des penseurs, philosophes inspirants et incontournables pour la nouvelle génération d’artistes. Il faut aussi évoquer les résidences d’artistes et autres initiatives autodidactes, comme par exemple la maison composer d ‘Ann Guillaume et Tom Bücher, qui invite artistes et chercheurs en sciences à réfléchir ensemble sur le territoire et ses habitants qui l’entourent. Être dans le réel et le partage de points de vue, sorte de synesthésie des savoirs et des comportements.​

ART ECOLOGIQUE - BIO ART - ART ENVIRONNEMENTAL - SCULPTURE SOCIALE - LAND ART, ART CONTEXTUEL - ART NUMERIQUE - GREEN STREET ART


Tous ces courants se saisissent des sujets sociétaux et environnementaux. Les approches y sont aussi diverses que les enjeux. Le Bio Art par exemple, terme inventé par Edouardo Kac en 1997, désigne un mouvement artistique qui travaille sur l’être humain ou l’animal. Les bio-artistes travaillent sur le rapport de l'humain à l'inhumain avec souvent le corps comme support de création. Il peut aussi dénoncer des manipulations génétiques (Eduardo Kac, Patricia Piccinini), ou engager une réflexion sur le rapport entre l’homme et l’animal et la machine pour un questionnement sur le devenir de l’espèce humaine ?

Eduardo Kac** - GFP Bunny - 2000 - Photo: Chrystelle Fontaine

Eduardo Kac** - GFP Bunny - 2000 - Photo: Chrystelle Fontaine


L'écologie éveille les consciences aussi dans le domaine du Street Art et du graffiti. Ce dernier qui a longtemps fait parler de lui pour ses pratiques anti-écologiques renaît depuis plusieurs années avec l’éco-street Art qui se sert de la nature pour créer : le Moss Graffiti remplace les « bombes » par de la mousse végétale quand le Le Mud Stencil (pochoir de boue) utilise la terre et des pochoirs naturels pour dénoncer l’agriculture intensive.

Bacha Khoperia Aka Dr Love - Upfest 2015 - © Bacha Khoperia

Bacha Khoperia Aka Dr Love - Upfest 2015 - © Bacha Khoperia

Le détournement d’objet de récupération par les artistes a toujours existé. Aujourd’hui certaines galeries d’art parlent même de recycl’Art, c’est dire la conscience grandissante de nos sociétés urbaines concernant la gestion des déchets !

De nombreux artistes vont mettre en place des œuvres qui abordent cette problématique. Par exemple, en 1988, Dan Peterman recouvre un minibus de déchets biologiques. La chaleur dégagée par la fermentation du compost chauffant l'intérieur du véhicule servait ensuite pouvait de logis à des sans-abris.

Travailler avec des éléments naturels ne veut pas forcément dire que l’on fait de l’éco-art. Nous pouvons aussi nous poser la question d’un art utile et engagé qui remet en cause la définition même de l’art.


La dégradation sociétale et environnementale ne laisse plus personne indifférent et l’éthique devient un nouveau moteur de création, de dénonciation et de pédagogie pour les artistes qui donnent à voir, penser et agir.


Il est impossible ici de développer ou de nommer toutes les formes d’engagements depuis la révolution industrielle. Que cela soit en art, en littérature, en architecture, dans le cinéma, la bande dessinée ou encore la sociologie et la philosophie (la liste elle-même semble infinie !) une seule évidence : le monde change, les outils évoluent et les artistes sont de plus en plus engagés pour l’écologie mais aussi pour le vivant et le social : révéler, dévoiler, mettre en valeur, dépolluer, militer, protéger, etc.

Si nous avons fait un petit tour d’horizon de la « partie visible de l’iceberg », l’écosystème artistique et ses parties prenantes sont encore à identifier pour trouver les solutions adaptées aux problématiques sociétales et environnementales, vers un art toujours plus responsable et durable : que ce soit en termes de choix des matières premières mais aussi toutes les autres implications périphériques telles que celles liées aux modes de stockage, de démontage, d’emballage ou de conservation et bien évidemment de transport des œuvres et des artistes jusqu’aux ventes des œuvres elles-mêmes.

Les actions à mettre en place sont infinies et déjà des solutions émergent : on citera l’architecture climatologique de Philippe Rahm qui construit ses musées en fonction du contenu et de la nature de ce qu’ils abritent : on prendra l’exemple des salles de dessin qui seront situées dans l’endroit le plus sombre et le plus sec du bâtiment, l’ennemi du dessin étant la lumière et l’humidité.

Il pose le climat comme base d’un « nouveau langage architectural » et imagine que « les phénomènes climatiques tels que la convection, la conduction ou l’évaporation deviennent les nouveaux outils de composition architecturale. La vapeur, la chaleur ou la lumière pourraient-elles constituer les nouvelles briques de la construction contemporaine ? » source « Pour une architecture météorologique » par Philippe Rahm.

View of Philippe Rahm: The Anthropocene Style, Walter and McBean Galleries, San Francisco Art Institute, 2018. Photo: Marco David / SFAI.

View of Philippe Rahm: The Anthropocene Style, Walter and McBean Galleries, San Francisco Art Institute, 2018. Photo: Marco David / SFAI.


Autre exemple avec la première édition d'une vente aux enchères digitale lors de la 4ème édition du festival Change Now Summit (mai 2021) qui mettait en avant l'art bas carbone. Les œuvres ne sont ni " vertes ", ni activistes, elles n'abordent pas nécessairement l'écologie comme un thème, mais l'intègrent dans le processus de création "Ronan de la Croix, commissaire d'exposition à Change NOW. La voie est ouverte, suivons-la ! Petites légendes et SOURCES *L’arbre aux 40 fruits de Sam Van Aken : cet artiste new-yorkais crée cet arbre riche de 40 espèces fruitières utilisant la technique de greffes végétales et pour mettre à l’honneur la biodiversité. **GFP Bunny de Edouardo Kac : le lapin est un vrai rongeur rendu fluorescent après mélange de son ADN avec celui d'une méduse. Ce n'est pas une infographie. Si Eduardo Kac n'est pas directement l'auteur de la manipulation génétique ayant permis cet exploit (création et propriété de l'Institut national de recherche agronomique (INRA), c’est l'œuvre la plus emblématique du bio-art. Sur l’avènement de l’art écologique Sur l’art anthropocène comme art de combat Sur l’art et l’écologie : ressource-O Sur l’anthropocène « Repenser la culture à l'ère de l'anthropocène » par Paul Ardenne conférence #1conférence #2conférence #3 Sur le vivant et le sensible : « ÉCRIRE LE SENSIBLE, UNE ÉCOLOGIE » #1 invite Jacques Tassin & Gilles Clément « ÉCRIRE LE SENSIBLE, UNE ÉCOLOGIE » #2 invite Frédérique Aït-Touati, Alexandra Arènes & Axelle Grégoire « ÉCRIRE LE SENSIBLE, UNE ÉCOLOGIE » #3 Emanuele Coccia invite Bruno Latour « ÉCRIRE LE SENSIBLE, UNE ÉCOLOGIE » #4 Emanuele Coccia invite Vinciane Despret Baptiste Morizot, écrivain et maître de conférence en philosophie à l'université d'Aix-Marseille, consacre ses travaux aux relations entre l'humain et le vivant.


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La part belle festival – festival éco-citoyen L’art philanthropique Thanks for nothing - Fondée en 2017, Thanks for Nothing est une association qui mobilise les artistes et le monde de la culture en organisant des projets artistiques et solidaires ayant un impact concret sur la société. La Collective, un centre d’art innovant au cœur de Paris à partir de 2024

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